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« Treatises on the Arts of Painting »  

Recension de : Mary P. Merrifield, Medieval and Renaissance Treatises on the Arts of Painting (Londres, 1849), rééd. New York, 1999.

 

C'est un ouvrage paru à Londres en 1849 que les Dover Publications viennent de rééditer pour la seconde fois sous le titre : Medieval and Renaissance Treatises on the Arts of Painting, Original Texts with English Translations, New York, 1999, cccxii-918 p. Si, malgré une introduction historique évidemment dépassée, le travail de Mary Philadelphia Merrifield reste une référence, c'est qu'il fournit la transcription et le commentaire de quelques-uns parmi les plus importants réceptaires et traités anciens sur les techniques artistiques. Au nombre d'une dizaine, les textes rassemblés dans les Original Treatises dating from the XIIth to XVIIIth centuries on the Arts of Painting in oil, miniature, mosaic and on glass, of gilding, dyeing and the preparation of colours and artificial gems, tel était le titre initial, constituent en effet, avec le De Diversis Artibus du moine Théophile et le Libro dell'Arte de Cennino Cennini, nos principales sources livresques sur les techniques des arts de la couleur.

 

La première partie des Treatises est dévolue au “recueil de Jean Lebègue”, ainsi nommé d'après la copie (aujourd'hui manuscrit latin 6741 de la Bibliothèque nationale) que cet humaniste français fit à Paris en 1431 des textes rassemblés quelques décennies plus tôt sous le nom de Liber colorum par un représentant de la famille de négociants milanais des Alcherii, Giovanni Alcherio. C'est à celui-ci qu'il faut restituer l'entière paternité du recueil en tant que tel, et non, comme le faisait à tort Merrifield, voir dans les tables qui le précèdent et dans les dernières recettes une contribution personnelle de Jean Lebègue. En quelques 350 recettes en latin et français, le Liber colorum - dont l'auteur de ces lignes prépare une nouvelle édition critique et une traduction française - regroupe en fait à lui seul plusieurs réceptaires. Y sont inclus notamment les deux livres en vers du De Coloribus et Artibus Romanorum d'Eraclius, qu'on peut faire remonter au VIIIe siècle et situer précisément en Vénétie plutôt qu'en Italie du sud, le Liber de coloribus faciendis de Pierre de Saint-Omer, sans doute du XIVe siècle, et plusieurs séries de recettes anonymes ou non, parmi lesquelles on retiendra celles du grand peintre bolonais du début du XVe siècle, Giovanni da Modena. Merrifield avait en revanche renoncé à donner une traduction à l'intéressante table des termes de couleurs (Tabula de vocabulis sinonimis et equivocis colorum) placée en tête du manuscrit ; elle ne conservait pas l'extrait du traité de Théophile qui y est aussi inclus mais pour lequel on dispose d'autres éditions (d'où une lacune entre les recettes 118 et 150), enfin l'ordre adopté pour le pseudo-Eraclius ou troisième livre en prose ne suivait pas celui du recueil de Jean Lebègue mais un autre manuscrit de ce texte (British Library, ms. Egerton 840 A). Pour Eraclius, on aura toutefois tout intérêt à préférer l'édition critique récente de C. Garzya Romano, Eraclio : I colori e le arti dei Romani e la compilazione pseudo-eracliana, introduzione, testo latino e traduzione, commentario, Bologne (Il Mulino), 1996.

 

La seconde partie est constituée des traités copiés par Merrifield au cours d'une mission d'étude en Italie. Pour le principal d'entre eux, les Segreti per colori ou Manuscrit de Bologne (couvent des chanoines réguliers de S. Salvatore de Bologne, ms. 165), on pourra aussi se référer à l'édition de O. Guerrini et C. Ricci, Il libro dei colori : Segreti del secolo XV, Bologne, 1887, rééd. 1969. Ecrit en un mélange de latin et d'italien, il compte 392 recettes ordonnées en 8 chapitres. Pigments pour la peinture, verre de couleur et fausses gemmes, mosaïque, glaçures, teintures des peaux et tissus font l'essentiel de son contenu. Suivent des textes plus courts. C'est d'abord un choix de recettes fait par Merrifield dans les Secreti diversi, compilation médicale et vétérinaire du XVIe siècle conservée dans un manuscrit de la Bibliothèque Marciana à Venise, qui comprend aussi quelques indications pour la confection des vernis, la peinture sur verre, l'encre d'imprimerie et les stucs. Datant probablement déjà du XVIIe siècle, le manuscrit de Padoue (Bibliothèque de l'Université, ms. 992) ou Ricette per far ogni sorte di colori compte 148 recettes ou chapitres dont une partie en commun avec le Trattato dell'arte della pittura, scultura e architettura publié en 1584 par le peintre et théoricien Giovanni Paolo Lomazzo (Milan, 1538-1600). On y trouve en outre des recettes pour l'enluminure, la gravure à l'eau-forte, le vernis à la Chine, le papier marbré (carta turchesca), pour noircir le bois et les cadres ou encore laver et revernir les tableaux anciens.

 

A la fin du XVIIe siècle se place le Modo da tener nel dipingere du peintre, graveur et théoricien de Bassano, Giambatista Volpato (1633-1706), connu par un manuscrit de la Bibliothèque publique de cette ville (ms. 1763). Il diffère de la tradition des réceptaires en se présentant non sous forme de recettes, mais comme un dialogue entre deux apprentis qui évoquent les tâches qui leur incombent : apprêt des supports, report du dessin, préparation des pigments et des liants, des pastels et du fusain. Par la voix d'un de ses personnages, l'auteur s'insurge aussi contre l'habitude qu'il prête aux copistes de surcharger les chef-d'œuvres de couches de vernis à l'huile pour les rendre plus légibles, mais qui à terme les noircissent, et cite à ce propos l'exemple d'un Saint Pierre martyr du Titien, aujourd'hui perdu. Quant au Recueil des essais des merveilles de la peinture conservé dans le ms. 15552 de la Bibliothèque royale de Bruxelles, il fut rédigé en 1635 par un certain Pierre Lebrun, peut-être identique au marchand et peintre flamand du même nom qu'on trouve installé à Paris en 1619 (cf. A. Schnapper, Curieux du Grand Siècle..., p. 88). Explicitement destiné à l'enseignement des amateurs, cet ouvrage dont Merrifield a retenu les onze premiers chapitres traite surtout de vocabulaire. Il passe en revue les pigments, les noms de couleurs, les canons de la beauté d'un visage, les plus excellents peintres depuis Polygnote jusqu'à Simon Vouet, et donne des exemples de “la façon de parler des beaux tableaux”. Il s'arrête aussi à des considérations plus techniques sur les siccatifs pour l'huile, la dorure et la teinture des bois en noir pour imiter l'ébène. Enfin, les dernières pages des Treatises incluent des extraits d'un mémoire du restaurateur Pietro Edwards († 1821) relatif à ses travaux au service de la République de Venise.

 

Pour se repérer au milieu de cette masse d'informations - près d'un millier de chapitres ou recettes, - on consultera encore avec profit les introductions que Merrifield a donné à chacun de ces textes, ainsi que l'index général (p. 899-918). Repris de la réédition de 1967, un glossaire des termes techniques complète l'ouvrage, et une courte préface dans laquelle S.M. Alexander évoque l'attachante figure de la très victorienne Mrs. Merrifield, femme peintre, mère de famille, distinguée italianiste, chercheur infatigable au service du gouvernement britannique, et auteur de manuels pour l'aquarelle et le dessin, et d'un curieux Dress as a Fine Art, with Suggestions on Children's Dress. Avec Charles Eastlake, Robert Hendrie, Thomas Phillipps, Albert Way, Charles de l'Escalopier ou Paul Delaroche, elle fait partie de ce cercle de savants qui au milieu du XIXe siècle, en quête des origines de la peinture à l'huile, redécouvrit les traités techniques anciens.

 

I. Villela-Petit dans le Bulletin Monumental, 2001-2, t. 159, p. 203-205.

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